Jusqu’aux os des Anciens Hommes
Le jeune Nénon et son père Marton finissent leur journée de fouille à la carrière royale de Sentelles où leur travail consiste à creuser le sol pour mettre à jour du métal que les Anciens Hommes ont abandonné là des siècles plus tôt.
Cette petite histoire intervient près de cinquante ans avant les événements évoqués dans la saga "La Prochaine Civilisation" et son premier tome "Les Deux Monarques". Nénon n'a que quatorze ans à ce moment-là.
Depuis le fond de la fosse dans laquelle il se trouvait depuis le matin, Nénon entendit la cloche de la carrière royale retentir, au loin. Cela signifiait qu'il était enfin l'heure pour lui, son père et tous les autres chercheurs qui creusaient le sol des environs du village de Sentelles d'arrêter le travail. Le jeune homme, sans perdre une seconde, ramassa les quelques morceaux de ferraille qu'il avait déterrés ce jour-là, puis il regagna la surface en escaladant agilement la fosse du côté où la pente était la moins raide. Là, il s'essuya les mains puis les genoux, avant d'attendre que son père n'émerge à son tour de son trou, qui se trouvait un peu plus loin. Les premiers chercheurs qui regagnaient la grande bâtisse carrée de la carrière royale passèrent devant lui, sur le petit chemin boueux qui jouxtait les fosses, bientôt suivis par un flot ininterrompu de garçons et d'hommes, tous couverts de boue jusque sur leurs visages. Nénon, après une dizaine de minutes d'attente, finit par se retrouver seul et pris d'inquiétude, il se décida à rejoindre la fosse dans laquelle œuvrait son père. Il y trouva ce dernier accroupi, au fond, travaillant encore.
— Papa, la cloche a sonné ! s'écria-t-il.
Le père de Nénon sursauta avant de cacher discrètement un objet sous son pullon, entre son flanc et son bras, dans une poche que son amie Fransène avait consenti à lui coudre à cet endroit-là.
— J'arrive, fiston ! hurla-t-il.
Il se leva, se saisit du fruit de son labeur de la journée, quelques morceaux de métal qu'il avait déposés de côté, puis il sortit de la fosse en empruntant un escalier de fortune qu'il avait rapidement aménagé quelques jours plus tôt à l'aide de rondins de bois. Une fois à la surface, il tapa sur l'épaule de Nénon, puis tous deux gagnèrent le chemin boueux où ils jetèrent l'un après l'autre leur ferraille dans la petit chariot qu'ils avaient entreposé à cet endroit en arrivant, le matin. Nénon attrapa ensuite la poignée de celui-ci puis se mit en route, suivi de son père.
— J'ai pas trouvé grand chose aujourd'hui, finit par déclarer ce dernier, et toi, fiston, t'es tombé sur quoi ?
— Un tuyau en cuivre et quelques plaques d'acier que j'ai détachés d'une sorte de machine étrange. C'est tout !
— Bah, ce sera assez pour nous payer le dîner, et puis, comme je le dis toujours, demain sera un jour meilleur, mon garçon !
— Espérons ! lança Nénon depuis l'avant. Espérons !
Les deux hommes finirent par rejoindre l'allée centrale de la carrière que les chercheurs appelaient le granchemin. Ce dernier partait de la bâtisse de la carrière, à l'ouest et courrait sur des milles et des milles de mètres vers l'est. Des centaines de petits chemins plus ou moins larges et praticables s'en éloignaient et menaient aux fosses où l'on creusait le sol à la recherche de métal abandonné là des siècles et des siècles plus tôt par les Anciens Hommes et désormais recouvert par plusieurs mètres de terre. Ce soir-ci, comme Nénon et son père avaient traîné un peu et que l'heure de pointe était passée, le granchemin était moins bondé qu'à l'accoutumée et père et fils purent ainsi avancer vers la bâtisse de la carrière à un bon rythme.
— Marton ! Nénon ! entendirent-ils tout à coup crier depuis l'arrière.
Ils se retournèrent et aperçurent Frédon, le meilleur ami de Nénon, ainsi que son père Norberin qui leur adressaient de grands signes au loin. Ils leur répondirent par quelques amples mouvements de salutation puis ils se déportèrent sur le côté afin de les attendre sans gêner le passage.
— La journée a été bonne, Marton ? lança Norberin au père de Nénon lorsque lui et son fils arrivèrent à son niveau.
— J'ai connu mieux, répondit l'intéressé. Et d'votre côté ? questionna-t-il à son tour.
Norberin, pour seule réponse, ralentit le pas tout en enjoignant à Marton, d'un geste de la main, de faire de même. Après quelques instants, lorsque Frédon et Nénon se trouvèrent à une distance raisonnable, il farfouilla dans une des poches de ses pantes et en tira deux pépites d'or qu'il montra à Marton en les tenant toutes les deux entre son pouce et son index.
— Mais c'est de l'or, Norberin ! s'exclama ce dernier après avoir posé ses yeux sur le métal jaunâtre. Tu vas gagner énormément d'argent avec ça !
— Regarde de plus près, lui intima l'autre en lui confiant une des deux pépites.
Marton approcha l'or de son œil droit, celui qui voyait le mieux, puis soudain, il sursauta.
— Mais c'est une dent ! s'écria-t-il. Une dent en or !
— Ouais, c'est parfaitement ça ! répondit Norberin. Je creuse un nouveau coin depuis hier, vach'ment loin à l'est, et j'suis tombé sur un cimetière des Anciens Hommes ! Y'a plein de squelettes là-bas, alignés les uns à côté des autres. J'en ai mis presque une dizaine au jour depuis c'matin et t't'à l'heure j'ai trouvé ces deux chicots en or encastrées dans la mâchoire de l'un d'entre eux !
Marton rendit la dent à son ami qui la fourra à nouveau dans sa poche avant de grimacer, l'air grave.
— Ça m'gêne de dépouiller ces Anciens Hommes d'leurs dents, grommela-t-il. C'est pas très joli qu'de faire ça !
— I'sont morts y'a des centaines et des centaines d'années et là où ils sont, pour sûr qu'i's'ont plus besoin de leurs dents en or, répondit Marton. Toi, par contre, elles t'permettront d'faire vivre ta famille convenablement, et durant plusieurs lunes au moins !
— C'est c'que j'ai fini par m'dire ! confessa Norberin. À ce sujet, Marton, j'sais que c'est pas facile pour toi et ton p'tit en c'moment. Nénon en a parlé à Frédon l'une ou l'aut' fois, p'is Frédon m'a dit... Donc voilà, si tu veux v'nir creuser c'coin avec moi à partir de d'main, t'es l'bienv'nu ! Et si tu veux, tous les deux, quoi qu'on trouve, on partagera nos paies en deux, moitié pour toi, moitié pour moi. Marché conclu ?
Norberin tendit sa main au père de Nénon qui la serra sans hésitation. Les deux hommes échangèrent ensuite un sourire amical, heureux l'un comme l'autre de savoir qu'ils feraient équipe à l'avenir.
— J'ai envoyé Frédon fouiller un peu plus loin c'matin quand j'ai compris où je creusais, s'écria ensuite Norberin.
— Nénon l'accompagnera demain, répondit Marton.
— C'est préférable, fit l'autre. On sait jamais avec les Anciens Hommes ! Ils étaient capables de fabriquer tant d'choses folles qu'ils ont p't'être conçu une machine qui lance des mauvais sorts aux pilleurs de tombes ou que'que autre satanerie dans l'genre !
Marton acquiesça, puis les deux hommes poursuivirent leur chemin en silence jusqu'à parvenir aux abords de la grande bâtisse de la carrière royale.
Là, ils rejoignirent Nénon et Frédon, qui étaient arrivés un temps avant eux et avaient déjà pris place dans la file de chercheurs attendant leur tour pour faire estimer leur récolte du jour et obtenir leur paie. Tous les quatre étaient éreintés par leur longue journée de travail et apprécièrent véritablement que ce jour-là, la file progressa rapidement. Après le quart d'une heure à peine, ils se retrouvèrent déjà dans la cour de la bâtisse, où ils passèrent au-devant de la feignasse, le contrôleur du jour, qui, comme à son habitude, se contenta de leur taper dans le dos tout en échangeant avec eux quelques mots sur le temps qu'il faisait. La feignasse tirait son sobriquet de ce qu'il ne palpait peu ou prou le corps que d'un chercheur sur dix, quand les autres contrôlaient plus ou moins un chercheur sur cinq et que les plus zélés allaient jusqu'à arrêter un chercheur sur deux. Marton ne faisait sortir des vestiges des Anciens Hommes en douce de la carrière que lorsqu'il savait que la feignasse se trouvait au contrôle, car avec n'importe lequel de ses collègues, l'affaire aurait été bien trop risquée. Avec le faucon, qui contrôlait peu, lui aussi, mais arrêtait toujours aléatoirement, au gré de son intuition du moment, Marton ne s'était jamais senti de tenter le coup, pas plus qu'avec le zélé, qui arrêtait à tout-va ou avec celui que tous appelaient le culonneux, car il palpait systématiquement la totalité du corps, et plus particulièrement entre les cuisses et entre les fesses.
Les quatre hommes avancèrent, puis Marton présenta son chariot à l'estimeur, celui qu'on appelait le radin, qui comme à son habitude n'en apprécia le contenu qu'aux deux tiers de sa valeur. L'instant d'après, Norberin exhiba face à lui les deux dents en or qu'il avait trouvées, et cela, avec une fierté non dissimulée. Dans la file, la nouvelle qu'un chercheur avait découvert de l'or se répandit alors comme une traînée de poudre et un important brouhaha émergea bientôt. Le chef des contrôleurs, un gros type à l'attitude détestable, que les chercheurs haïssaient et surnommaient Zozote, du fait d'un défaut de langage, finit par rappliquer, accompagné de quelques gardes.
— C'est quoi ce bordel ? hurla-t-il. Silence ! Silence !
Le bruit diminua d'intensité mais ne cessa pas totalement.
— Ze veux plus rien entendre ! ajouta-t-il.
Quelques ricanements s'élevèrent, puis l'un ou l'autre chercheur, comme à l'accoutumée, se mirent à tourner en ridicule le zozotement de l'homme :
— Ze m'tais tout d'suite, ProbeSieur le chef des contrôleurs ! lança l'un.
— Ze ne dis plus un mot ! gloussa un autre.
Les rires épars se transformèrent en un instant en esclaffements d'ensemble. Le chef des contrôleurs, furieux, glissa un mot à l'oreille d'un des gardes et celui-ci, sans attendre, remonta la file des chercheurs puis s'empara de celui d'entre eux qui était intervenu le premier, l'attrapant par son pullon et le tirant hors de la file. Quelques chercheurs, dont l'un était particulièrement costaud, s'approchèrent alors des deux hommes afin de venir en aide à leur camarade, mais en une fraction de seconde, trois gardes se précipitèrent au-devant d'eux, les mains sur leurs glaives. Les chercheurs hésitèrent un instant, se regardèrent, puis rejoignirent la file les yeux baissés tandis que le chef des contrôleurs rappliquait.
— Vérification du fonduculon pour celui-là, et en profondeur ! hurla-t-il.
Les gardes acquiescèrent puis emmenèrent l'homme qui s'époumona à arguer que tout cela n'était qu'une misérable blague et à jurer qu'il n'avait rien de caché dans le fond de son culon.
— D'autres volontaires ? s'égosilla Zozote avec fermeté.
Pas un murmure ne se fit entendre.
— Bien, ajouta-t-il, un sourire de satisfaction aux lèvres. Palpations pour tous ceux qui restent !
La feignasse, sans attendre, accourut face au premier chercheur de la file puis commença immédiatement à palper ses vêtements. Au même moment, le chef des estimeurs, qui était systématiquement appelé lorsqu'un chercheur trouvait de l'or ou de l'argent, arriva dans la cour, puis observa à la loupe les deux dents en or trouvées par Norberin. Il finit par annoncer un montant d'un demi-qarlin d'argent, ce qui pour le coup, se trouvait être une paie honnête. Marton observa ensuite le contrôleur palper les chercheurs les uns après les autres tout en songeant avec saisissement à ce qu'il cachait sous son pullon. Norberin, en lui tapant dans le dos, lui fit abandonner ses rêvasseries et les deux hommes ainsi que leurs fils respectifs quittèrent alors la cour de la bâtisse par la grande porte.
Une fois parvenus au cœur de la cité de Sentelles, aux abords de la place du grand chercheur, Norberin proposa à son nouveau partenaire de fouille de boire un verre ou deux à une taverne de la place afin de fêter sa paie du jour, mais Marton refusa en prétextant être fatigué et Nénon et lui prirent la direction de leur baraquement. Lorsque celui-ci fut en vue, tous deux remarquèrent immédiatement Renène, la petite amoureuse de Nénon, qui étendait du linge. La jeune femme finit par apercevoir les deux hommes et tout sourire, elle accourut vers eux avant de déposer un baiser sur la joue à Nénon puis de saluer poliment son père.
— J'ai préparé une tarte aux pommes et aux poires avec maman, annonça-t-elle ensuite. Elle est encore chaude. Venez en manger un morceau à la maison tous les deux !
— J'ai à faire de mon côté, refusa Marton, mais va, Nénon, si t'en as envie !
Le jeune homme sourit à son père, attrapa la main de Renène puis les deux enfants coururent ensemble vers le baraquement avant de disparaître à l'intérieur du logement que Renène partageait avec sa mère, la bonne Fransène, qui parut à la porte afin de saluer Marton. Celui-ci répondit d'un petit geste de la main, puis s'empressa de rentrer chez lui. Sitôt arrivé, il déposa l'objet qu'il avait caché sous son pullon sur la table. Il se débarbouilla ensuite tout en rongeant un morceau de pain dur, puis il emballa délicatement l'objet dans une serviette qu'il cala sous son bras avant de ressortir de chez lui et de parcourir les quelques mètres qui le séparaient de la porte de son voisin.
— Professeur Bergane ! s'écria-t-il depuis le pas de la porte d'entrée, tout en toquant. C'est moi ! Marton !
— Entre, mon ami, et rejoins-moi en haut ! hurla-t-on depuis l'intérieur.
Marton poussa la porte, monta à l'étage, puis trouva le professeur dans la petite pièce qui lui faisait office de bureau. Sur le côté ainsi qu'au fond de celle-ci se trouvaient des étagères sur lesquelles étaient entreposés quelques livres, mais aussi des boîtes de toutes tailles ainsi que des objets recouverts de serviettes empoussiérées. Le professeur, quant à lui, était assis sur un tabouret branlant, face à une petite table aux pieds vermoulus, occupé à écrire à la lueur d'une chandelle, ses lunettes qui ne comptaient plus qu'un verre sur le nez. Marton s'approcha et distingua plusieurs croquis représentant chacun des os, tous disposant de ces sortes d'appareillages métalliques qu'il avait déjà rencontrés lui-même à l'une ou l'autre reprise sur quelque ossement retrouvé dans la carrière.
— Les Anciens Hommes étaient de véritables génies, grommela le professeur, sans lever les yeux de son cahier. Ils étaient capables de trancher la chair, de plaquer différentes sortes de visseries sur des os puis de refermer le tout, permettant de cette façon à un individu souffrant d'une terrible fracture de vivre heureusement comme si rien ne lui était arrivé !
Marton, stupéfié par cette révélation qui dépassait de loin son entendement, comme souvent avec les Anciens Hommes, au demeurant, fit de gros yeux, avant de se reprendre.
— Je... je vous ramène quelque chose que je pense être intéressant ! annonça-t-il.
À ces mots, Bergane leva la tête puis posa son stylon. Marton s'approcha ensuite du professeur puis plaça délicatement l'objet qu'il avait illégalement emporté de la carrière sur le plateau de la table, avant de retirer la serviette dans laquelle il était emballé. Le professeur écarquilla alors les yeux.
— Un crâne d'un Ancien Homme ! s'écria-t-il.
Marton acquiesça.
— Quelle profondeur ? demanda le professeur.
— Environ trois mètres sous le niveau du sol.
— Et le reste du corps ?
— Présent avec le crâne, et en intégralité je dirais. J'ai noté une curiosité à ce sujet, professeur. Ce corps-là était enterré avec un autre corps, côte à côte, la main de l'un placée dans celle de l'autre.
— C'est curieux, grommela Bergane.
— Oui, c'est c'que j'me suis dit aussi, sachant qu'aucun des dizaines d'autres squelettes que j'ai trouvé dans l'même coin n'était enterré avec un autre. Juste ces deux-là, allez savoir pourquoi !
— As-tu trouvé des objets des Anciens Hommes avec les squelettes ? interrogea le professeur.
— Un seul, s'écria Marton. Une sorte de collier fait de perles en ancienne matière, qui se trouvait entre et autour de leurs mains à tous les deux.
Bergane fronça les sourcils en creusant dans sa mémoire afin de se rappeler s'il avait déjà rencontré une telle pratique funéraire auparavant. Marton le coupa dans ses réflexions :
— Je vous ai amené ce crâne parce qu'y a que'que chose de bizarre au niveau des dents !
Le professeur approcha la chandelle de la mâchoire qu'il observa scrupuleusement, sous plusieurs angles, avant de se saisir d'un pinceau avec lequel il frotta minutieusement l'ossement, le long de la dentition. Ce faisant, il dégagea peu à peu de petites plaques de métal qui se trouvaient placées au milieu de chaque dent de la mâchoire supérieure, ainsi qu'un fil rouillé les reliant les unes aux autres.
— J'ai jamais vu le moindre crâne d'un Ancien Homme affublé d'un tel ornement, murmura Marton. J'ai donc pensé que ça pourrait vous intéresser et que ça pourrait faire avancer vos recherches !
Le professeur Bergane resta silencieux, occupé qu'il était à nettoyer l'ossement.
— Vous pensez que certains Anciens Hommes se décoraient les dents avec du métal et qu'ils trouvaient ça beau ? interrogea le chercheur.
Le professeur sourit, puis ricana, avant lever enfin ses yeux amusés vers Marton.
— J'ai déjà rencontré ce genre de dispositif sur plusieurs crânes retrouvés en Boréalie ou dans les Îles-d'Or. Toujours, comme ici, sur des crânes de jeunes gens, garçons ou filles, dont la dentition avait la particularité de présenter quelque défaut majeur. J'en ai tiré la conclusion que ces petites pièces métalliques constituaient une sorte de machinerie ingénieuse ayant pour fonction de redresser des dents se trouvant placées de travers.
Marton, qui se trouvait à mille lieues d'imaginer une telle chose, resta bouche bée.
— Je doute donc qu'aucun Ancien Homme n'ait jamais trouvé quelque joliesse à ces plaques métalliques, ajouta le professeur, et je m'avance peut-être un peu, mais je gage même que cela devait être tout le contraire !
Bergane pinça les lèvres puis se remit à épousseter, à la brosse, du côté arrière du crâne cette fois. Marton le regarda faire, silencieusement, puis une question lui vint tout à coup :
— Cet Ancien Homme, professeur, savez-vous quel mal l'a emporté, comme ça, dans la fleur de l'âge ? demanda-t-il, un peu peiné d'apprendre que le crâne qu'il avait mis au jour était celui d'une jeune personne.
Bergane, qui frottait avec concentration, ne répondit pas dans l'immédiat. Il changea d'instrument l'une ou l'autre fois, puis soudainement, il eut un léger mouvement de recul, puis semblant choqué, il posa ses lunettes sur le plateau de la table avant de parer son visage d'un air mêlant résignation et consternation.
— Le mal qui a emporté ce jeune garçon ou cette jeune fille n'est autre que l'homme, Marton !
Le chercheur tressaillit.
— Vous voulez dire que...
— Oui, Marton ! Je veux dire qu’on l'a tué !